07 mars 2004

Serge Gainsbourg et France Gall - Les sucettes



Les Sucettes est une chanson de 1966, écrite par Serge Gainsbourg pour être interprétée par France Gall, principalement connue pour avoir deux niveaux de lecture : décrivant au premier degré une fillette aimant les sucettes, il s'agit en fait de la description implicite d'une fellation.

Serge Gainsbourg l'a lui-même reprise dans l'album Jane Birkin - Serge Gainsbourg (1969).

La chanson commence par la phrase « Annie aime les sucettes, les sucettes à l'anis. » D'un bout à l'autre, le texte possède deux niveaux de lecture. Le premier, anodin, décrit une fillette aimant les sucreries. Le second est la description d'une fellation. On note en particulier le sucre d'orge qui « coule dans la gorge d'Annie » (référence à l'éjaculation) et le fait qu'elle paye ses sucettes en pennies (dont la prononciation est proche de pénis). Quant au clip, il ne montre que des sucettes de forme allongée (alors qu'il en existe également des rondes, par exemple), et on voit des femmes d'âge mûr sucer des sucettes avec des regards aguicheurs.

Ce caractère provocateur était renforcé par le fait que l'interprète, qui avait 18 ans à l'époque, en paraissait moins visuellement.

Serge Gainsbourg revendiqua ce double sens, habitué qu'il était aux chansons provocatrices (par exemple Lemon Incest). France Gall quant à elle chanta la chanson en toute innocence, s'en tenant à la lecture au premier degré, et fut horrifiée de découvrir ensuite qu'elle avait été manipulée.

En 1968, France Gall était longuement interviewée par l’éditeur Philippe Constantin : — Philippe Constantin : Le problème de l’interprète est important. Les Sucettes par Gainsbourg, se sera forcément moins bon que par France Gall. Le message sera transmis par un érotomane notoire et le décalage saisissant entre la blonde innocence de l’interprète et le contenu de la chanson disparaissant, le résultat sera plus anodin. Comme disait Klossowski, Sade ne serait plus Sade s’il avait utilisé le langage de Bossuet dans ses descriptions.
— France Gall : Je l’ai enregistrée très, très, très innocemment. Contrairement à ce qu’on a pu dire. Je suis partie au Japon pendant que le disque sortait à Paris. Les programmateurs de radio ont hurlé : « Elle est complètement folle, elle va se ridiculiser ». Moi, je n’en savais rien. Et quand je suis revenue, je n’osais plus sortir de chez moi. Je n’osais plus faire de radio, plus de télé.
— Philippe Constantin : Vous voulez dire que vous n’aviez aucune idée du contenu réel de cette chanson ?
— France Gall : Absolument, oui. Mon impresario, le coquin, le savait très bien. Mais il n’en a jamais rien dit. De toute façon, le public l’a prise lui aussi comme une chanson pour enfant.
— Philippe Constantin : Mais maintenant que vous savez, comment la chantez-vous ?
— France Gall : Mais exactement pareil, sans changer quoi que ce soit à mes intonations. Les mêmes mimiques, ce que je fais avec mes yeux… maintenant je sais… bon, d’accord.

Pour entretenir la légende et le côté sulfureux de l’affaire, Serge Gainsbourg se plaisait à raconter l’histoire suivante. Un journaliste aurait demandé à France :

« Pourquoi ne chantez-vous plus Les Sucettes ? »

Elle aurait répondu ce que Gainsbourg qualifiait de « mot admirable » :

« Ce n’est plus de mon âge ».

Or, dans l’émission À vos souhaits de France Inter du 30 mars 1976, voici question et réponse authentiques enregistrées :

« Que pense France de ses anciens succès, tels que Charlemagne ou Les Sucettes ? »
« Ce n’est plus de mon âge, Charlemagne, en tout cas. »

Libellés : , , ,